Fils de déportés, Juozas Kazlauskas (1942-2002) fut un témoin sensible de l’émergence de ce passé tragique dans le débat et l’espace publiques lituaniens durant la perestroïka. Seul ou en accompagnant des expéditions menées par les familles de déportés, il sillonna, à la fin des années 1980, les lieux de l’exil et du Goulag, en se rendant sur les rives de l’océan Arctique, en Sibérie et au Kazakhstan. Aux photographies prises sur ces lieux où tout, la nature comme les rares traces de la présence humaine, dit désolation, épreuve et abandon, répondent les images de cortèges et de cérémonies qui, au même moment, rassemblaient, à Vilnius ou à Kaunas, des milliers de Lituaniens, venus commémorer leurs morts, exiger la vérité historique et revendiquer l’indépendance de leur pays.

Juozas Kazlauskas (1942-2002)

Né dans la région de Molėtai en Lituanie, Juozas Kazlauskas (1942-2002) fut déporté lors de l’opération Ressac et vécut en relégation dans la région d’Irkoutsk entre 1949 et 1957. A partir de 1975, il travaille comme opérateur de films artistiques et documentaires au studio de Vilnius, tout en pratiquant la photographie. Avant 1989, il réalise de très nombreuses photos dans le Grand nord russe, puis devient l’un des grands photographes de l’indépendance de la Lituanie. En 1989 il mène plusieurs expéditions sur les lieux de l’exil lituanien, en particulier sur les rives de la mer de Laptev, emblématiques de la déportation la plus inhumaine et meurtrière. Son oeuvre est ainsi composée de plusieurs séries, dont La mer de Karsk, 1975 ; Sur les traces des expéditions polaires, 1975 ; La Lituanie en relégation, 1987-1992 ; La Lituanie de Sajūdis à nos jours, 1987-1998.