La culture lituanienne de A à Z

Voyage en Lituanie

La culture lituanienne en 200 événements : est-ce beaucoup ? Est-ce peu ? 200 occasions de découvrir la culture de ce pays dont les déclarations et les formes d’expression artistiques surprennent tout autant qu’elles charment l’Europe. 200 coups d’œil sur ce territoire où se croisent depuis plus de cent ans chemins et idées venus tout autant de très loin que de très près. La Saison de la Lituanie en France, c’est SEULEMENT trois mois, trois mois bouillonnants qui prennent la forme d’une invitation à découvrir ce pays et à mieux comprendre le contexte qui le façonne. Et pour les plus curieux, cela ne sera que le début. La culture lituanienne est la synthèse de centaines d’années d’histoire. La Lituanie, c’est non seulement une culture qui a résisté à beaucoup de mises à l’épreuve, une des plus anciennes langues du monde, mais aussi un pays de l’Europe du Nord moderne et innovant et un membre actif de l’UE, de l’OTAN et de l’OECD.

La Lituanie est mentionnée pour la première fois dans une source écrite, les Annales de Quedlinburg, en 1009. L’héritage païen de nos ancêtres baltes se retrouve dans notre riche folklore, dans nos arts et dans nos chants. Les chants polyphoniques lituaniens sutartinės, inscrits dans la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, ont participé à aider les déportés lituaniens à survivre aux froids sibériens où la Russie soviétique, qui occupait alors le territoire lituanien, a envoyé un grand nombre de gens. La Révolution chantante, c’est comme cela que nous appelons le mouvement de libération qui a vu la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie se tenir par la main et chanter sur la Voie balte – un rassemblement pacifique contre l’occupation soviétique. Le peuple lituanien a beaucoup perdu pendant ces cinquante ans d’occupation, et c’est la raison pour laquelle nous soutenons à présent sans répit le peuple ukrainien, car nous connaissons le prix de notre Liberté. 

La spécificité de la culture lituanienne, c’est sa diversité, sa résilience et son ouverture tout en même temps, son interdisciplinarité et sa jeunesse. La Liberté s’y manifeste dans toutes les disciplines et des manières les plus diverses : sous la forme d’initiatives citoyennes, de créations artistiques sachant dépasser les frontières des disciplines et de programmes scientifiques à l’origine de découvertes majeures et de reconnaissances internationales.

Nous sommes fiers de vous présenter le peintre et compositeur symboliste Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, les talentueux hommes et femmes qui reconstruisirent avec tout leur cœur notre État pendant l’entre-deux-guerres, mais aussi la génération contemporaine, qui a grandi dans une Lituanie n’ayant que très nouvellement reconquis son indépendance et fait connaître sa patrie dans le monde entier, et qui compte d’ailleurs un grand nombre d’artistes femmes travaillant dans les disciplines variées. 

Ils sont très cultivés, parlent plusieurs langues étrangères, motivés, ouverts et prêts à faire face aux défis les plus difficiles. Qu’ont-ils en commun? Une volonté implacable de créer librement et ensemble, de partager et d’inspirer. Nous vous invitons à vous en faire une idée par vous-même et à faire connaissance avec la Lituanie et les Lituaniens pendant la Saison de la Lituanie en France 2024, intitulée « Se voir en l’autre ». 

200 événements et 500 artistes vous ouvrent les portes sur « Se voir en l’autre », un visage de la Lituanie aux multiples facettes que nous vous invitons à découvrir. Cet abécédaire de la culture lituanienne regroupe les éléments et acteurs principaux de la culture, de l’art, de l’histoire, pour vous donner un aperçu géographique et historique plus complexe. Nous l’avons conçu comme un outil permettant d’élaborer un parcours individuel pour découvrir la Lituanie.

Ce peintre et sculpteur originaire de Kaunas est un représentant de l’École de Paris. La capitale de la France était, pendant l’entre-deux-guerres, une ville d’accueil pour des artistes venant d’horizons différents. En 1918, la Lituanie qui venait de déclarer son indépendance avait compris la force de création et d’inspiration dont regorgeait Paris et avait encouragé des manières les plus diverses les artistes lituaniens à se rendre en France. Les uns revinrent en Lituanie, leurs bagages remplis de sources d’inspiration nouvelles, les autres, poussés par les vents géopolitiques, s’établirent en France ou partirent plus loin. Arbit Blatas se fit une place dans les Salons d’Automne et des Tuileries, à l’occasion desquels le musée du Jeu de Paume à Paris et le musée de Grenoble acquirent certaines de ses œuvres, puis il partit aux États-Unis. Outre le lien artistique entre la Lituanie et Paris, Arbit Blatas incarne aussi la grande tragédie du peuple juif. Ses bas-reliefs en bronze à la mémoire des victimes de l’Holocauste sont exposés au musée du neuvième fort de Kaunas et au Mémorial de la Shoah de Paris.

Le 23 août 1989, à l’occasion du cinquantième anniversaire du pacte Molotov-Ribbentrop à l’origine du partage de l’Europe, la Voie balte a réuni les trois pays baltes, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, isolées de l’Europe derrière le rideau de fer. C’est un événement pacifique au cours duquel les gens, debout, main dans la main, formèrent une chaîne humaine reliant les trois capitales, Vilnius, Riga et Tallinn, en signe de protestation contre l’occupation soviétique. Cette chaîne de 670 kilomètres aurait rassemblé entre 2 et 2,5 millions de personnes. Les participants avaient apporté des drapeaux ornés de rubans noirs en signe de deuil et des bougies rappelant les victimes de l’occupation, les déportations et la douleur du deuil de ses proches et de la liberté. Au mois de mars de l’année qui suivit, la Lituanie proclamait son indépendance : la Voie balte est le début de la chute de l’URSS.

Ce metteur en scène issu de la génération née et devenue adulte pendant la période soviétique a vu plusieurs de ses films être projetés au Festival de Cannes. Avec son esthétique unique, lente et profonde, Šarūnas Bartas représente la génération de cinéastes lituaniens ayant commencé à créer dans les conditions compliquées imposées par l’occupation soviétique. « C’est une star depuis son premier film. C’est un très grand metteur en scène. Nous sommes très fiers de projeter et de faire connaître Šarūnas Bartas à Paris », voici les mots de la Claire Denis au cours de la projection rétrospective du cinéaste au Centre Pompidou à Paris.

À 16 ans, et déjà un titre de championne du monde en poche, le plus important est de préserver son équilibre, son enthousiasme et son optimisme. Voici la danseuse de break dance originaire de Vilnius, Dominika Banevič, qui représente la Lituanie aux Jeux Olympiques de Paris de l’été 2024, et qui est la championne de tous les cœurs. L’énergie bouillonnante de cette jeune femme est la démonstration la plus convaincante que les miracles ne sont pas fait en une nuit, mais sont bien le résultat d’un travail minutieux, et que le sport et l’art se marient à merveille. 

Le peintre et compositeur lituanien le plus connu est mort à l’âge de 35 ans, avant la Première Guerre mondiale, et n’a donc connu ni la Lituanie indépendante ni les grandes tragédies du XXe siècle. Le symbolisme romantique, sensible, naturel et mystique, plein de lumière et de profondeurs de ses peintures et compositions, a inspiré les générations d’artistes qui le suivirent, et ses œuvres sont encore de nos jours les plus vues, les plus jouées, les plus appréciées et les plus étudiées en Lituanie. La plus grande partie de son œuvre est conservée à Kaunas, dans le musée Čiurlionis. Il a été exposé pour la première fois en France de son vivant, au début du XXe siècle, puis en 2000 au musée d’Orsay dans le cadre d’une grande exposition rétrospective, et en 2018, encore au musée d’Orsay, dans le cadre de l’exposition « Âmes sauvages. Le symbolisme des pays baltes », qui présentait un grand nombre d’œuvres de Čiurlionis.

Le mouvement de réveil national qui a eu lieu entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle dans la Lituanie en chemin pour se libérer de l’emprise de l’Empire russe est inséparable du mouvement des chœurs. Celui-ci prend racine dans les chœurs amateurs qui se sont formés en Suisse et en Allemagne au XIXe siècle, à l’époque du Romantisme. Dans les pays baltes, la musique chorale prit rapidement une importance nouvelle : les chœurs amateurs devinrent partie intégrale de l’identité des trois pays et finirent par former un nouveau domaine musical professionnel. La Lituanie est le seul pays catholique d’Europe ayant repris le phénomène des Fêtes des Chants caractéristique des pays protestants (puisque c’est la confession principale de la Lettonie et l’Estonie). Le compositeur et chef de chœur Juozas Naujalis (1869-1934) est une figure essentielle de l’histoire de la musique chorale en Lituanie, et ses œuvres sont encore interprétées aujourd’hui dans notre pays. L’année 2024 marque le centenaire de la première Fête des Chants organisée à Kaunas et rassemble à cette occasion des dizaines de milliers de danseurs et chanteurs.

Un garçon nommé Jurgis est né en 1931 à Kaunas, celui-ci, arrivé de l’autre côté de l’Atlantique, deviendra George – George Maciunas (1931-1978) – et sera à l’origine du mouvement avant-gardiste Fluxus. Les artistes de mouvement Fluxus explorèrent les limites entre art et quotidien, en invitant à refuser la routine et à cultiver la spontanéité. On compte parmi eux dans les années 1960, entre autres, Joseph Beuys, Willem de Ridder, George Brecht, John Cage, Robert Filliou, Al Hansen, Dick Higgins, Bengt af Klintberg, Alison Knowles, Addi Køpcke, Yoko Ono, Nam June Paik, Shigeko Kubota, La Monte Young, Mary Bauermeister, Joseph Byrd, Ben Patterson, Daniel Spoerri, Ken Friedman, Terry Riley. Le mouvement fut actif une vingtaine d’années, et son influence est encore visible dans les œuvres de nombreux artistes contemporains.

Vilnius Poker, le roman le plus connu de Ričardas Gavelis, a été traduit en français en 2015. C’est un classique de la littérature contemporaine qui a jeté la lumière sur les recoins les plus sombres des représentations collectives des habitants de Vilnius et a influencé une génération toute entière. La maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture a tapé dans le mille en choisissant Vilnius Poker : le roman a été applaudi en France par les critiques littéraires. On lit entre autres que « la traduction française transmet l’éloquence protéiforme de Ričardas Gavelis, parfois burlesque, d’autres fois sombre et mélancolique, qui dirige quelques lignes narratives et stimule toujours le lecteur », ou encore « si vous aimez le roman total, Vilnius Poker est une découverte à faire. […] C’est un drôle de geyser qui commence comme un roman de Kafka et se transforme en un monument narratif expérimental, rappelant par endroit Beckett, Joyce, Dante, Burroughs ou encore Orwell. »

GiedRé, toute charmante, taquine et fringante, est très certainement plus connue en France qu’en Lituanie. La Saison de la Lituanie en France pourrait-elle être l’occasion pour ses compatriotes de découvrir cette musicienne et chanteuse talentueuse ? Giedrė Barauskaitė est née à Vilnius et a déménagé en banlieue parisienne à tout juste sept ans, et c’est en France qu’elle a commencé dans son adolescence à chanter ses compositions dans des bars. Si GiedRé n’est pas toujours politiquement correcte, elle touche toujours dans le mille et ne s’embarrasse d’aucuns tabous !

La scientifique lituanienne la plus connue au monde est l’archéologue, archéo-mythologue et spécialiste de l’Europe préhistorique, Marija Gimbutas. Elle a fui en Allemagne au début de la Seconde Guerre mondiale et s’est installée en 1949 aux États-Unis. Ses travaux les plus retenus par le grand public sont ses ouvrages sur la culture matriarcale en Europe proto-indo-européenne, caractérisée par l’égalité entre les sexes. Un travail qui n’a pas toujours été facile, puisque même au sein de la prestigieuse université qu’est Harvard, la Lituanienne a été confrontée au sexisme et à la dévalorisation des femmes chercheuses.

« Elle sculpte le temps, modèle chaque phrase comme si elle travaillait du plomb. Elle peut être féroce, très féroce, et entraine l’orchestre avec elle. Elle peut aussi être calme, et la musique coule comme coulerait une rivière, de son propre chef, et laisse derrière elle émoi et admiration tranquille », voici quelques lignes tirées d’un article que le critique de musique Mark Swed écrivait en 2022. Son deuxième nom de famille, qu’elle a ajouté par choix personnel, veut dire « silence » : l’instant le plus intime dans le face-à-face de la cheffe d’orchestre et de son orchestre. Mirga Gražinytė-Tyla vit actuellement à Salzbourg, elle est la première lituanienne à avoir dirigé un orchestre aux États-Unis et a été nommée en 2019 meilleure cheffe d’orchestre par Classic FM. En 2012, elle a remporté le prestigieux Young Conductor Award du Festival de Salzbourg. Elle a dirigé l’orchestre symphonique de Birmingham jusqu’en 2022 – poste auquel elle a renoncé pour se consacrer à son activité musicale individuelle.

Le linguiste et sémioticien, à l’origine de la théorie générale des systèmes de signes, qu’il a développée dans plus d’un ouvrage, est arrivé en France en 1944 avec sa famille – pas pour la première fois, puisqu’il avait auparavant étudié à Grenoble. Il soutint sa thèse de doctorat à la Sorbonne cinq ans plus tard. Les domaines principaux de recherches du fondateur de l’école parisienne de sémiotique furent la linguistique, la sémantique et la sémiotique, et le folklore lituanien. Il est à l’origine de la théorie générale des systèmes de signes qu’il a tenté d’appliquer à l’analyse des processus créatifs.

La renommée de la soprano lituano-arménienne commence en 2018 au festival de Salzbourg où elle interprétait le rôle principal de Salomé de Richard Strauss, l’année suivante elle est nommée chanteuse de l’année aux International Opera Awards. Asmik Grigorian se produit au moins une fois par an à Paris, à l’opéra et comme soliste à la Maison de la Radio et de la Musique, accompagnée par l’Orchestre philharmonique de Radio France. D’ailleurs, le label parisien Alpha Classic a fait récemment paraître un CD, Dissonance, de la soprano et du talentueux pianiste lituanien Lukas Geniušas, qui y interprètent des morceaux de Rachmaninov.

Les cercles artistiques lituaniens de la fin des années 1960 et du début des années 1970 étaient dominés par un désir de liberté, par la résistance à l’oppression, l’aspiration à l’inaccessible culture occidentale et la volonté inébranlable d’échapper au rideau de fer. Les Lituaniens percevaient, malgré le rideau de fer, les changements en cours en Europe de l’Ouest et ont été influencés par ceux-ci. En 1972, une nouvelle fait le tour du pays et du monde entier : un jeune homme, Romas Kalanta, s’est immolé dans le centre de Kaunas, et il accuse, dans la lettre qu’il a écrite avant de mettre fin à ses jours, le régime soviétique de sa mort. Quoique Romas Kalanta ne fût pas un artiste, son geste marqua une génération entière et ne fut pas sans effets sur les processus ultérieurs ayant mené à la chute de l’Union soviétique. Le contexte était déjà peu favorable à l’expression artistique, mais après cet événement, celle-ci fut encore plus surveillée et soumise à la censure, ce qui n’empêcha pas les artistes les plus engagés – musiciens, peintres, sculpteurs, comédiens – de créer même sous l’oppression.

Vytautas Kasiulis arriva dans la ville de ses rêves en 1948 alors qu’il n’était encore qu’un jeune artiste et fut fortement influencé par le bouillonnement culturel et artistique de la ville. En 1949, à l’occasion de sa toute première exposition, Vytautas Kasiulis approfondit non seulement la méthode de création qui était la sienne depuis sa jeunesse, dans laquelle la structure des paysages fait penser à un négatif photographique et ouvrit aussi une galerie. Les œuvres de cet infatigable artiste, l’un des peintres les plus remarquables de l’École de Paris de la seconde moitié du XXe siècle, sont conservées dans le musée Kasiulis à Vilnius, dans les musées d’arts moderne de Paris et de New-York, ainsi que dans des musées de Beaux-Arts et collections privées en France, aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en Suède, au Danemark, en Suisse, en Allemagne, en Argentine, en Australie, entre autres.

Le mouvement avant-gardiste littéraire Keturi vėjai (Quatre vents) fit son apparition pour la première fois en 1924 à Kaunas, alors capitale temporaire de Lituanie, avec la publication d’une revue éponyme. Dans cette revue, la jeune génération des intellectuels de Kaunas à l’origine de ce mouvement déclare : « la Lituanie est enfin libre et ouverte à l’Europe et au monde, il est temps de nous renouveler, de créer, de détruire, de critiquer et de nous libérer des vieilles idoles du passé ». Les auteurs de cette revue, quoique parue sur un laps de temps assez court, élargirent considérablement le monde de la littérature lituanienne. Juozas Tysliava, l’un des auteurs de cette revue, se rendit à Paris pour faire des études de journalisme et y prit part à la vie artistique et littéraire parisienne, aux côtés d’artistes comme Tsugouharu Foujita, Jean Cocteau et Guy Lévis-Mano, et édita la revue avant-gardiste Muba (1928), où il publia des œuvres d’auteurs et artistes lituaniens et du monde entier. La poésie de Juozas Tysliava fut également traduite en français.

L’histoire de ce monument situé non loin de Šiauliai, et dont le monde entier entendit parler en 1993 suite à la visite de Jean-Paul II, remonte au milieu du XIXe siècle. Les premières croix sont datées de 1850, mais il est possible que son histoire commence avec la terrible répression du soulèvement contre la Russie tsariste de 1831. Cet endroit est, depuis le XXe siècle, un lieu sacré, visité par les habitants des alentours et les pèlerins. Les croix furent détruites par les soviétiques, et la colline fut même surveillée par le KGB, mais cela n’empêcha les gens d’y réinstaller constamment des croix. On y dénombre actuellement quelques 20 000 croix, de formes, tailles et matériaux variés.

La République des Deux Nations fut entre les XVIe et XVIIe siècles l’un des plus grands États d’Europe. Sous le coup des remous de l’histoire – le partage de l’Europe par les empires – à la fin du XVIIIe siècle son territoire fut intégré à l’empire de Russie. Ses habitants, majoritairement polonais et lituaniens, refusèrent de se soumettre à la puissance russe. La révolte de 1863-1864 contre l’empire russe est écrasée très violemment et suivie de répressions : les églises catholiques sont transformées en églises orthodoxes, les écoles sont fermées, l’alphabet latin est interdit. La russification forcée n’étouffe pas pour autant les mécontentements, mais au contraire renforce la conscience d’une identité nationale lituanienne. C’est grâce aux efforts rassemblés du clergé, des intellectuels et de la population en général, hommes et femmes, que se développa en Lituanie un réseau clandestin de diffusion de la presse lituanienne écrite en alphabet latin – une entreprise illégale, dangereuse, difficile, mais réussie et très efficace. Les publications en lituanien étaient imprimées sur le territoire de la Prusse-Orientale, qui appartenait jadis à l’Allemagne. Les passeurs de livres traversaient la rivière qui faisait office de frontière, en risquant leur santé, leur liberté, et même leur vie (les passeurs de livres arrêtés étaient menacés d’emprisonnement ou de déportation). Grâce à eux, il fut possible de se procurer des livres ou périodiques lituaniens dans les villages et hameaux mêmes les plus reculés. Le trafic de publications est gigantesque, puisqu’entre 1900 et 1902, les autorités tsaristes en confisquèrent quelques 56 000. Ce mouvement était principalement le fait des gens simples, qui construisirent par leurs efforts et leur bravoure les fondations sur lesquelles fut reconstruite l’indépendance de la Lituanie. 

« La société est le miracle de la sortie de soi. » Le philosophe Emmanuel Levinas est né à Kaunas et y a terminé sa scolarité. Il est arrivé en France en 1924 où il a passé le reste de sa vie. Sa famille qui était restée à Kaunas a été victime de l’Holocauste. La pensée de Levinas a été formée par la culture lituanienne, mais aussi par le judaïsme et par la philosophie française. Son œuvre principale, Totalité et infini, paraît en 1961. La philosophie éthique qu’il a développée s’inscrit dans une période où, après la Seconde Guerre mondiale, les valeurs humanistes sortent piétinées et fatiguées. En Lituanie, ses travaux sont étudiés à l’université et des conférences et séminaires sont organisés.

Manfredas, le DJ lituanien le plus connu, place très haut la barre pour tous ceux qui rêvent de devenir un jour DJ. Il a travaillé à la radio depuis son adolescence et s’est frayé un chemin dans les boîtes de nuit. Manfredas a rapidement fait connaissance avec les stars du milieu, à qui il a fait goûter et prendre plaisir aux saveurs lituaniennes, et a été invité à l’étranger. Manfredas et le Français Ivan Smagghe, l’un des tandems nocturnes les plus inoubliables et les plus demandés, invitent à un voyage dans les lointaines galaxies sur les ailes de la musique électronique et de la guitare. Santaka, le duo de Manfredas et de son compatriote batteur Marijus Aleksa, repousse les limites de la performance et joue avec la plasticité du temps.

Le monde entier a entendu parler en 2012, à l’occasion des Jeux olympiques de Londres, de la jeune nageuse de 15 ans originaire de Kaunas lorsque celle-ci a pulvérisé les records du monde et remporté une médaille d’or. Elle a par la suite battu de nombreux autres records, rencontré des difficultés lors de sa deuxième participation aux Jeux olympiques, qui l’ont mises sur le chemin d’une quête de sens. En 2024, la jeune nageuse est à nouveau championne du monde, a entamé une carrière de DJ à la radio pendant son temps libre et est une source d’inspiration pas uniquement pour les sportifs, mais pour tous les Lituaniens.

« Le monde entier est ma demeure, et toute la nuit est ma couche. » Le cinéaste et poète Jonas Mekas, l’un des plus grands Lituaniens – et, en même temps, l’un des plus humbles – qui aient jamais foulé le sol de cette terre, nous a laissé des archives cinématographiques immenses et des textes sensibles et profonds. Il a fui les épreuves de la Seconde Guerre mondiale avec son frère Adolfas, qui a lui aussi marqué le monde du cinéma, et s’est installé à New York, où il est devenu l’un des chefs de file du cinéma d’avant-garde de New York et un des membres fondateurs de Fluxus.

Oscar Milosz arriva à Paris à l’adolescence avec son père, un descendant de la noblesse lituanienne, d’un domaine isolé situé à la périphérie de la Lituanie, sur le territoire actuel de la Biélorussie. Il maîtrisait parfaitement, entre autres langues, le français et le polonais, mais pas le lituanien (à l’époque, la langue des élites lituaniennes était le polonais), et est décrit comme un poète mystique, amateur des salons parisiens. Le poète et traducteur devint, dans l’entre-deux-guerres, le premier diplomate de l’État indépendant de Lituanie en France, il représenta les intérêts de la Lituanie à la Société des Nations et fut un propagateur actif de la culture lituanienne en Europe de l’Ouest. Ses origines étaient, et sont toujours, complexes du point de vue géopolitique. Oscar Milosz se considérait comme lituanien, il y voyait un devoir moral particulier et, en se mettant au service du nouvel État lituanien, s’éloigna de l’identité et de la communauté polonaise qu’il considérait aussi comme sienne.

Le modernisme est la caractéristique architecturale la plus distinctive de Kaunas, la deuxième ville de Lituanie. Le développement de la ville en 1920 et en 1930 est lié à son changement de statut : suite à l’occupation polonaise de Vilnius en 1919, Kaunas devint la capitale temporaire de l’État lituanien nouvellement restauré. La ville accueillit rapidement les institutions de l’État, l’université de Lituanie s’y installa, cinémas, musées, institutions culturelles diverses, églises, commerces et industries s’y développèrent et la ville accueillit de nombreux nouveaux habitants venus des quatre coins de la Lituanie, mais aussi des chercheurs, commerçants, entrepreneurs et diplomates venus de toute l’Europe. En l’espace de vingt ans, plus de 6 000 bâtiments publics et privés y furent construits dans le style moderniste qui fleurissait en Europe à l’époque. Aujourd’hui encore, Kaunas est un musée d’architecture moderniste à ciel ouvert : le promeneur peut y retrouver l’ambition, l’optimisme du tout jeune État et de ses habitants, ainsi que la mise en forme des idées de fonctionnalisme, de progrès et d’humanisme qui fleurissaient à l’époque en Europe. L’architecture moderniste de Kaunas a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2023 avec comme sous-titre « architecture de l’optimisme ».

Antanas Mončys est samogitien dans le sang et dans l’âme, il a terminé ses études à l’Académie de la Grande Chaumière. Avant la Seconde Guerre mondiale, Antanas Mončys a étudié l’architecture, puis, arrivé à Fribourg, il se tourne vers la sculpture et reçoit une bourse de l’État français pour faire un stage dans l’atelier d’Ossip Zadkine à Paris, où il arrive en 1950. Sa relation unique avec le bois et d’autres matériaux naturels, son imagination plastique, ses formes épurées et sa relation audacieuse avec les symboles rendent son œuvre tout à fait unique et reconnaissable au premier coup d’œil. La maison-musée qui porte son nom est située à Palanga, ville de bord de mer non loin du village de naissance de l’artiste. On peut aussi admirer ses œuvres – non pas créées, mais mises au monde – en France, dans la petite ville de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, jumelée avec Palanga, où l’on trouve, sur un quai, sa sculpture intitulée Le Coq.

C’est l’un des artistes lituaniens les plus productifs et les plus acclamés sur la scène de l’art contemporain. Deimantas Narkevičius a étudié la sculpture, mais c’est un artiste qui maîtrise un nombre infini de techniques et de disciplines, et qui s’est tout particulièrement fait une place dans le monde du cinéma expérimental. On compte parmi ses œuvres le court-métrage réalisé en 2004, Once in the XX Century (en fr., Il était une fois au XXe siècle), qui consiste en une compilation d’images d’archives du démontage de la statue de Lénine après la restauration de l’indépendance de la Lituanie, montées de telle manière que la foule semble se rassembler, puis célébrer l’érection du monument. En 2023, l’artiste a créé un film stéréoscopique en 3D sur la Dzūkija, une région ethnographique lituanienne.

L’isthme de Courlande est une étroite bande de sable qui sépare la lagune de Courlande de la mer Baltique. Cette péninsule qui fut longtemps un territoire prussien est aujourd’hui séparée en deux, sa partie sud, rattachée au continent, appartient aujourd’hui symboliquement (et douloureusement) à la Russie. Pour les Lituaniens, Neringa est donc une île, qui, quoique de petite taille, renferme des milliers d’années de légendes et de mythes. La légende la plus connue est celle de Neringa, une fille de pêcheur, qui, pour protéger les habitants de la côte lituanienne d’un monstre marin, aurait rassemblé le sable marin pour en faire une immense digue, qui n’est autre que la presqu’île. Au XIXe siècle, les habitants furent obligés de déplacer leurs villages et de reconstruire leurs habitations pour les protéger des dunes qui se déplaçaient et « avalaient » les villages. Une solution fut trouvée pour stabiliser les dunes en les plantant de pins, c’est comme cela qu’est né le paysage si unique de Neringa, qui est actuellement un site paysager unique protégé par l’UNESCO. 

 

En 1929, l’écrivain de langue allemande, Thomas Mann, qui passait ses vacances dans les environs, visita Nida pour la première fois et tomba sous le charme du village de pêcheurs. « Le caractère unique et indescriptible de cette nature, le monde fantastique des dunes ondulantes, les pinèdes et les forêts de bouleaux habitées par des élans entre la lagune et la mer Baltique : tout cela nous a tellement fascinés que nous avons décidé de nous y installer… » L’écrivain passa entre 1930 et 1932 de longues vacances à Nida, au cours desquelles il écrivit beaucoup. Aujourd’hui, la villa de la famille Mann abrite le Musée Mann et y accueille régulièrement le festival culturel international Thomas Mann. 

Artiste transdisciplinaire et adepte d’architecture conceptuelle, Vladas Ozarinskas nous a prouvé que l’architecture, en tant qu’outil de réflexion, peut fonctionner dans différents contextes. Cet artiste, qui n’a créé aucun bâtiment traditionnel et a contesté les canons de l’architecture, a conçu de nombreuses expositions au Centre d’art contemporain de Vilnius, a créé des intérieurs mémorables et a joué avec des techniques variées dans différentes disciplines.

Neringa Černiauskaitė et Ugnius Gelguda forment un duo d’artistes qui explore à sa manière les relations entre corps, technologie et économie. Ils ont participé à un grand nombre d’événements artistiques internationaux et en 2024, année qui marque leur dixième anniversaire, représentent la Lituanie à la Biennale de Venise où, tout en présentant l’artiste Marija Teresė Rožanskaitė (1933-2007), ils parlent des troubles qui affectent l’humanité et le monde, de la planète et de nos corps « enflammés ».

Née sous un piano, c’est le titre de l’autobiographie de Mūza Rubackytė, écrite en français, car il était important pour la pianiste de parler non seulement d’elle-même, mais aussi de sa patrie, de faire connaître ce qu’a ressenti et vécu le peuple lituanien pendant les années d’occupation soviétique. Romantique passionnée, c’est une grande amatrice de Franz Liszt et la fondatrice et directrice artistique du festival international de musique Vilnius Piano Festival. La pianiste habite depuis 1989 à Paris, et, sans le rideau de fer, le monde aurait entendu parler d’elle depuis bien plus longtemps.

Sengirė, ou en français, forêt primaire ou forêt vierge, est, selon les encyclopédies, une forêt très ancienne, composée d’espèces indigènes et à la biodiversité riche, qui se régénère naturellement et sans intervention humaine, selon un processus évolutif appelé sylvigenèse, et qui présente donc plusieurs générations d’arbres qui cohabitent. Sengirė est aussi un film (traduit en français sous le titre de Dans les bois) réalisé en 2017 par le cinéaste Mindaugas Survila, qui donne vie à son rêve d’enfance de faire un film sur les forêts anciennes. Sa Sengirė est un endroit presque mythique où non seulement les limites temporelles disparaissent, mais aussi où tout ce qui existe est suspendu à l’éternité. Sengirė est sorti du cadre de l’écran des salles de cinéma, c’est aujourd’hui une fondation qui réunit des personnes partageant des idées similaires. Cette fondation achète des forêts, hectare par hectare, et les … laisse tranquille, de sorte qu’elles ne deviennent pas un centre de commerce du bois.

La compositrice Raminta Šerkšnytė, dont la musique a été jouée dans de nombreux pays du monde, a été décrite ainsi : « addicte au Matin et à l’Est ». La  mélancolie de la nature balte est au cœur de ses compositions, issue d’une combinaison des archétypes culturelles de l’Occident et de l’Orient, de l’accord des modes majeurs et mineurs, qui invitent à découvrir des états s’échelonnant de la méditation à l’expression.

« Là-bas, dans un lointain pays de glace, une famille doit survivre en mangeant des pommes de terre gelées, en salant la soupe avec ses larmes et en réchauffant son cœur avec des chansons… » Le roman graphique écrit par Jurga Vilė et illustré par Lina Itagaki a charmé les enfants de nombreux pays dans le monde, et est devenu un best-seller de littérature jeunesse en Lituanie. Haïku de Sibérie peint avec simplicité, mais de manière saisissante l’histoire douloureuse de la vie en Sibérie, une histoire qui touche presque toutes les familles de notre pays. Les événements historiques à l’origine de ce traumatisme, encore actuel pour de nombreuses personnes issues de famille dont des membres ont été déportés par les Soviétiques, ne sont arrivés jusqu’aux oreilles  du reste du monde qu’après plusieurs décennies. Haïku de Sibérie est aussi traduit en français.

L’artiste contemporaine Emilija Škarnulytė navigue entre imaginaire et documentaire et invite les spectateurs à plonger dans des créations belles mais parfois inconfortables, tout autant pour le spectateur que pour elle-même. En 2022, elle présente Burial, un film sur les cimetières en zones urbaines. En 2023, elle prend part à la Biennale de Gwangju avec le projet Æqualia, projet pour lequel l’artiste s’est glissée dans la peau d’une sirène nageant à la confluence de deux affluents de l’Amazone. En 2024, c’est à New York que l’artiste-sirène s’installe pour créer. Le travail de Škarnulytė est toujours en interaction avec les habitants des lieux qu’elle filme et avec les auteurs, ce qui participe sans aucun doute à rendre ses créations saisissantes, incisives, comme un scalpel, et excessivement immersives.

Le Camus lituanien ? Une comparaison aussi audacieuse n’est peut-être pas pleinement justifiée, quoiqu’il en soit, Antanas Škėma fut l’un des premiers dramaturges modernes de Lituanie. L’auteur lituanien est né sur le territoire actuel de la Pologne et s’est exilé à l’Ouest en 1944. Il a écrit la plupart de ses œuvres en exil, dont son roman le plus connu, Balta drobulė (Le Linceul blanc, la traduction française du roman est parue chez Cambourakis). L’œuvre de Škėma est empreinte d’existentialisme et de nihilisme et regorge de détails autobiographiques : le drame individuel d’un homme, jeté par le destin sur les chemins de l’exil, dévoile l’universalité de l’exil spirituel.

Les sodai en paille ont été inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO en 2023. Bien que ces objets décoratifs suspendus existent aussi dans les traditions d’autres peuples de la région, les sodai lituaniens se distinguent par leur complexité, leur finesse et le nombre d’artisans qui en fabriquent. Un sodas est une structure en paille pleine de symboles destinés à accueillir à la naissance, accompagner au cours de la vie et escorter après la mort, qui arrête le temps, joue avec l’espace et fascine nos contemporains. 

S&P Stanikas est un duo d’artistes, Svajonė et Paulius Stanikas, qui travaillent avec une grande variété de média : photographie, vidéo, dessin, sculpture, installation, avec une élégance qui, sans jamais être ennuyante, tend parfois au dramatique, parfois à la controverse. Le couple d’artistes crée ensemble depuis les années 1980. En 2003, ils ont représenté la Lituanie à la Biennale de Venise et ont commencé la même année à enseigner au Fresnoy. Ils habitent actuellement à Paris, où, comme le dit Svajonė : « [ils sont] partis portés par la curiosité, la volonté de mieux connaître le monde, non pas pour des raisons économiques. Paris est à [leurs] yeux, en tant qu’artistes, l’un des plus beaux endroits au monde. »

Ladislas Starewitch, arrivé en France après être passé par l’Italie, et avant encore par Moscou, est un pionnier des films d’animation, aussi appelé le Disney de l’Europe, quoiqu’il ait même commencé à créer des films d’animation avant son homologue américain. Ladislas Starewitch commença à animer des marionnettes à Kaunas alors qu’il travaillait dans le musée de la ville. Il était passionné par la nature et… décida de faire des insectes les acteurs de son film. C’est en France que sa carrière décolla avec le film Le chant du rossignol qui lui valut une médaille d’or. La médaille d’or suivante qu’il reçut récompensait son œuvre la plus importante, le premier long métrage d’animation avec des marionnettes au monde, Lapin Raneikis.

Les artistes lituaniens participent à la Biennale de Venise depuis 1999. On compte parmi les représentants du pays entre autres Jonas Mekas, Nomeda et Gediminas Urbonas, Svajonė et Paulius Stanikas. En 2019, l’opéra contemporain Sun & Sea (Marina) de Rugilė Barzdžiukaitė, Vaiva Grainytė et Lina Lapelytė a été récompensé d’un Lion d’or de la Biennale de Venise. Cette œuvre imprégnée d’un sentiment d’une catastrophe écologique imminente a été jouée dans une trentaine de pays en quelques années. La scène de l’opéra est une plage artificielle où les chanteurs interprètent allongés cette œuvre chargée d’anxiété, de mélancolie, d’ironie et d’un sens de la vanité de notre existence, et que le public observe d’en haut, comme le soleil en position zénithale. Les artistes ont toutes les trois des carrières individuelles prospères : Lina Lapelytė est compositrice, Vaiva Grainytė, autrice et Rugilė Barzdžiukaitė, cinéaste. Le trio a fait ses débuts avec l’opéra Good Day !, interprété par des caissières de supermarché.

Les chants polyphoniques lituaniens, ou sutartinės, sont inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Leur nom vient du verbe « sutarti » qui veut dire s’accorder. Ces chants polyphoniques traditionnels, qui sont particulièrement anciens, puisqu’ils sont antérieurs au baptême de la Lituanie au XIVe siècle, sont une tradition qui est toujours vivante en Lituanie. Les sutartinės sont un art syncrétique, reflétant le lien entre musique, texte et mouvement. Ils sont chantés à diverses occasions, comme les festivités liées aux travaux agricoles et autres fêtes calendaires, les mariages, mais on recense aussi des sutartinės militaires, historiques et humoristiques.

Antanas Sutkus est l’un des photographes lituaniens les plus importants du XXe siècle, dont le regard humaniste est toujours d’actualité au XXIe siècle. Sa relation avec la France remonte au voyage de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir en Lituanie dans les années 1960. L’emblématique photo du philosophe marchant dans les dunes de l’isthme de Courlande est devenue indissociable de la biographie de ce dernier – au début, le philosophe a refusé d’être photographié par le jeune photographe, en affirmant qu’il n’autorisait qu’Henri Cartier-Bresson à le photographier. Et il faut reconnaître que les deux grands photographes ont des choses en commun.

Il est difficile de se contenter de mentionner seulement un ou deux dramaturges lituaniens. On commence, dès la fin du XVIe siècle, à jouer des pièces à Vilnius, et en 1634, une compagnie d’opéra est fondée. Mais les vicissitudes géopolitiques pesèrent sur le développement du théâtre en Lituanie, et le théâtre professionnel lituanien n’a fêté son centenaire qu’en 2020. Juozas Miltinis (1907-1994) est un pionnier et une légende du théâtre en Lituanie, l’acteur et metteur en scène rapporta les fondements de son esthétique et de son éthique théâtrales de ses études à Paris auprès du grand metteur en scène français Charles Dullin. Le metteur en scène contemporain Oskaras Koršunovas a reçu en 2009 le titre de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. On retrouve aussi de plus en plus de noms de femmes metteuses en scène sur les affiches des théâtres lituaniens et internationaux : Yana Ross, Kamilė Gudmonaitė, Eglė Švedkauskaitė, Uršulė Barto seront bientôt à l’affiche des théâtres à l’étranger.

Euthanasia Coaster et A Planet of People sont deux projets de l’artiste contemporain Julijonas Urbonas dont les échos furent internationaux et dans lesquels on retrouve la formation en architecture de l’artiste. Il est designer, chercheur, ingénieur et le fondateur de l’Agence lituanienne de l’espace (Lietuvos erdvės agentūra), un groupe de recherches artistiques. L’artiste s’intéresse à l’influence de la gravité sur les pelouses et à la manière dont la chorégraphie peut déterminer notre survie. Julijonas Urbonas a représenté la Lituanie à l’Exposition internationale d’architecture de Venise de 2021.

Le Vasarely lituanien ? Kazys Varnelis, un artiste qui s’est beaucoup inspiré des motifs traditionnels lituanien, a commencé par être connu à l’Ouest : contraint par la guerre de s’installer aux États-Unis, il y a vécu et travaillé cinquante ans durant, entre tradition et modernité. Sa patrie, la Lituanie, est fière d’accueillir à Vilnius un musée-maison qui expose son style unique et ses compositions d’art optique, une collection offerte par Varnelis lui-même.

Tomas Venclova est un poète et dissident, originaire de Vilnius, qui s’est vu retirer sa citoyenneté soviétique. Il résida à partir des années 1970 aux États-Unis, où il a enseigné dans les universités américaines et est devenu un poète renommé. Ses travaux et son œuvre traitent essentiellement de Vilnius. En 1978, il a écrit à quatre mains avec le poète et prix Nobel Czesław Miłosz le dialogue intitulé Vilnius as a Form of Spiritual Life (Vilnius kaip dvasinio gyvenimo forma). On trouve en France des traductions d’ouvrages de prose et de poésie publiés chez Circé, et sa discussion avec Hellen Hinsey, Nord magnétique, est parue en 2023 chez les éditions Noir sur Blanc. Tomas Venclova a d’autre part reçu le titre de citoyen d’honneur de Vilnius, où il réside actuellement.

La capitale de la Lituanie est la ville baroque la plus septentrionale au monde et se distingue par des interprétations uniques de l’architecture baroque. Son centre historique a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1994. Avec ses étroites ruelles, les flèches élancées de ses églises, ses cours secrètes, sa diversité architecturale et son paysage unique, Vilnius invite à flâner, à s’égarer et à tomber sous son charme. L’université de Vilnius, fondée en 1579 par les Jésuites venus lutter contre la Réforme, porte en elle cet esprit si particulier de la ville et a inspiré un grand nombre de scientifiques et d’artistes.

Traduit du lituanien par Agathe Stasė Kazakevicius